INTÉGRATION • En près de 40 ans, Lausanne a vu sa population étrangère doubler. Elle compte plus de 160 nationalités différentes selon une étude conjointe du Bureau lausannois pour les immigrés (BLI) et de l’Office d’appui économique et statistique de la Ville. Explications avec Bashkim Iseni, délégué à l’intégration et responsable du BLI.
Lausanne Cités: Près d’un Lausannois sur deux n’a pas de passeport suisse. Ça fait beaucoup…
Bashkim Iseni: Sur un siècle, on peut voir que la population d’origine étrangère a toujours été importante à Lausanne. On peut se rappeler qu’en 1914 déjà, elle comptait pour 25% de la population totale. Elle a ensuite suivi la globalisation des échanges et de la mobilité. D’autant plus aujourd’hui, dans un contexte de dynamisme économique. L’intégration fonctionne bien ici, comme le montre l’étude.
Quels sont les éléments qui, à vos yeux, expliquent cette évolution?
Comme évoqué, le dynamisme économique de la région, sa notoriété comme Capitale olympique, la réputation et l’innovation de ses Hautes écoles forgent aujourd’hui l’attractivité de Lausanne pour une population étrangère plus mobile professionnellement. Il faut se rappeler que dans les années 1950-1970, la Suisse et le canton de Vaud ont fait appel à une important main d’œuvre ouvrière pour réaliser les infrastructures du pays, comme l’autoroute A1, entre Lausanne et Genève à l’occasion de l’exposition nationale de 1964. Aujourd’hui encore, sans l’apport de la population étrangère dans des domaines comme la santé ou l’hôtellerie/restauration, l’économie perdrait des forces de travail.
La Suisse s’est dotée d’une nouvelle loi fédérale sur la nationalité qui est plus restrictive que par le passé. Quel effet aura-t-elle selon vous?
Une politique de naturalisation restrictive aura pour effet d’augmenter le taux de population étrangère. La Suisse est, d’ailleurs, le pays qui compte le plus de résidents de 2e, 3e, voire 4e génération sans passeport national. Cependant, en termes d’intégration, le fait d’avoir ou non le passeport suisse est un facteur parmi d’autres. Il est surtout important qu’une personne se sente bien dans son quartier, qu’il possède les outils nécessaires pour trouver sa place dans la ville, c’est là l’importance de l’action publique, et notamment du Bureau lausannois pour les immigrés, et de ses partenaires associatifs et institutionnels.
Cela dit, les étrangers qui arrivent aujourd’hui à Lausanne sont-ils les mêmes que par le passé?
En 1980, Lausanne comptait 120 nationalités. Au terme de la Seconde Guerre mondiale, les étrangers provenaient essentiellement des pays limitrophes. Avec la globalisation de l’économie, ils viennent aujourd’hui du monde entier. Cela s’est traduit par une augmentation à 160 nationalités. Une part importante vient ici pour une courte durée, soit entre 1 et 5 ans. Aujourd’hui, 38% de la population étrangère a un permis B. Cela représente environ 23’000 personnes. Ce sont des adultes âgés entre 20 et 40 ans qui sont à Lausanne pour y travailler pour des mandats sur une courte durée (expatriés, chercheurs) ou pour y suivre des études.
Cela a-t-il modifié l’approche que la Ville pouvait avoir de cette problématique ?
Lausanne est une ville cosmopolite. C’est le défi que doivent assurer tous les centres urbains. Par sa politique d’intégration et sa gestion de l’urbanisme, la Ville a pu réaliser un développement coordonné de tous ses quartiers. Elle a également su développer une remarquable cohésion et tisser un fort lien social qui ont abouti à une grande mixité sociale sur tout le territoire.
Est-ce qu’on peut dire sur cette base que l’intégration, à Lausanne, fonctionne bien?
Oui ! C’est vraiment ce que démontre cette étude. Sur la durée, tous les quartiers ont vu leur population étrangère augmenter. Et l’on ne constate pas de phénomène de ségrégation ou de ghettoïsation qui verrait ici se créer un quartier italien, là un quartier français ou encore ici un quartier vietnamien.
Tous les quartiers lausannois présentent une mixité de nationalités. En fin de compte, et c’est là un des points importants de l’étude, que l’on possède ou non le passeport suisse, c’est le revenu de la personne qui détermine le choix du quartier de résidence.
LAUSANNE| 12.03.2019 – 09:49| Rédigé par Philippe Kottelat